Quel crédit accorder à la polémique sur le débit d’essence ?
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Quel crédit accorder à la polémique sur le débit d’essence ?
Quel crédit accorder à la polémique sur le débit d’essence ?
Par Nicolas Carpentiers le 19/05/2015 à 10:23 17 Commentaires
On a beaucoup parlé, ces derniers temps, de débit d’essence. Le samedi du Grand Prix d’Espagne, la FIA a envoyé aux écuries une directive technique précisant les caractéristiques du débit autorisé.
Le lendemain, Ferrari – que certains suspectent d’être la cible du document – réalisait son moins bon week-end depuis le début de la saison en termes d’écart sur les Mercedes : la première monoplace rouge était reléguée à 45 secondes, son retard le plus conséquent sur les Flèches d’argent (34 secondes en Australie, victoire en Malaisie, 3 secondes en Chine et 3,4 secondes à Bahreïn).
Il n’en fallait pas plus pour qu’enfle la rumeur selon laquelle la Scuderia aurait jusqu’alors exploité un système illégal. Quel crédit accorder à ce débat sur le débit ?
1 – Que dit le règlement ?
C’est l’article 5.1.4 du règlement technique qui fixe un débit maximal à ne pas dépasser (100 kg d’essence par heure), afin d’encadrer la consommation de carburant. Pour s’assurer que ce seuil n’est pas franchi, la FIA oblige chaque écurie à installer sur ses monoplaces un débitmètre, qu’elle a homologué (pour une analyse de son fonctionnement, cliquez ici).
Concrètement, une pompe située dans le réservoir puise l’essence et l’envoie vers les injecteurs, le débitmètre étant placé entre ces deux éléments (*). En principe, il ne devrait pas être possible d’injecter du carburant à un débit plus élevé que celui enregistré par le capteur. Sauf que comme le débitmètre est installé dans le réservoir, il existe une certaine distance entre l’appareil et les injecteurs.
L’hypothèse est la suivante : sur ce trajet, on pourrait installer des accumulateurs de pression qui stockeraient l’essence injectée lors des phases de freinage ou de demi-charge (la pompe débitant alors plus que les besoins du moteur), puis réinjecteraient cet excédent au moment opportun – excédent qui s’ajouterait donc au débit maximal autorisé.
Le débitmètre ne verrait passer que 100 kg/h alors que le débit total injecté serait supérieur à 100 kg/h…
De tels réservoirs de pression hydraulique existent en aéronautique et sont conçus pour pallier la panne d’une ou plusieurs pompes (ces accumulateurs peuvent fournir quelques secondes de haute pression afin de verrouiller un train d’atterrissage par exemple). On évoque également l’idée que les motoristes pourraient exploiter la capacité de dilatation de certains matériaux sous forte pression pour stocker du carburant (selon des techniques utilisées sur les motorisations diesel à haute pression).
Pareille astuce aurait néanmoins un défaut : elle entraînerait une surconsommation, qui devrait être compensée d’une manière ou d’une autre. En réalité, sur la plupart des circuits, les écuries remplissent le réservoir avec moins de carburant que le seuil maximal de 100 kg (il y aurait souvent plutôt 90-95 kg d’essence au début de la course). On pourrait donc remplir un peu plus le réservoir, dans des proportions permettant que ce supplément de poids soit moins pénalisant que le gain de puissance.
(*) En simplifiant, une pompe à basse pression fait circuler l’essence dans le débimètre ; des pompes haute pression, montées au-dessus de la culasse, et entraînées par les arbres à cames, prennent ensuite le relais. La pression maximale autorisée par le règlement s’élève à 500 bar.
2 – De réelles suspicions
Visiblement, la FIA craignait que cette solution soit effectivement adoptée par certains motoristes.
Le règlement a donc anticipé ce risque. L’article 5.1.4. affirme que le débit maximal s’élève à 100 kg/h et qu’il est mesuré par un débitmètre homologué, alors que l’article 5.10.5 interdit tout système destiné à augmenter le débit après la mesure (“any device, system or procedure the purpose and/or effect of which is to increase the flow rate after the measurement point is prohibited”). Mais pour lever toute ambiguïté, la Fédération a encore affiné le cadre réglementaire en émettant dernièrement deux directives.
Comme si cette première “clarification” (car une directive n’est qu’un amendement précisant la façon dont la FIA va interpréter une règle déjà existante) ne suffisait pas, Charlie Whiting a distribué aux équipes une nouvelle note sur le sujet le samedi du Grand Prix d’Espagne (soit le 9 mai).
En substance, cette deuxième recommandation stipule qu’une fois que le flot d’essence dépasse 90 kg/h, toute augmentation ultérieure du débit doit se faire de manière constante, sans à-coup. Autrement dit que les élévations brutales de débit – telles qu’elles pourraient apparaître dans un double système illégal – ne seront plus tolérées.
3 – Ferrari visée… par Mercedes ?
Cette deuxième directive aurait été publiée après que la FIA a constaté des variations de pression inhabituelles sur les monoplaces de Nico Rosberg et Lewis Hamilton après la Q1. Mercedes aurait dû s’expliquer auprès des officiels et modifier ses paramètres. C’est cet incident qui aurait poussé Whiting à rédiger une nouvelle directive après la qualification.
Selon certains observateurs hardis, la formation championne du monde aurait volontairement mis la puce à l’oreille de la FIA en exagérant les fluctuations de débit sur ses bolides afin d’attirer l’attention sur les pratiques de ses rivaux écarlates… Le scénario, certes envisageable en F1, semble toutefois un tantinet tiré par les cheveux, puisqu’il suppose que Brackley aurait pris le risque de disputer les qualifications dans une configuration volontairement illégale et donc de risquer l’exclusion…
Bref, quelle que soit l’origine de la manœuvre, la rumeur selon laquelle les motoristes de Maranello exploiteraient un tel stratagème pour gagner une vingtaine de chevaux traîne depuis quelques mois dans le paddock.
On l’a dit, la manche espagnole – première course où s’appliquait la deuxième directive – a été celle où les Rouges ont accusé leur plus grand retard. En outre, c’est dans le troisième secteur – où l’adhérence mécanique compte plus que l’aérodynamique – que la SF15-T a concédé le plus de temps : 0”467 (contre 0”160 dans le premier et 0”207 dans le deuxième).
Coïncidence ou pas : Maurizio Arrivabene a justement évoqué un soudain problème de traction sur la SF15-T, dont personne n’avait jamais entendu parler jusqu’alors. De là à croire que la Scuderia cherche à justifier son recul, il y a un pas…
Quoi qu’il en soit, le spectaculaire bond en avant de Ferrari fait des jaloux dans le paddock, comme en témoigne une autre rumeur – tout aussi impossible à vérifier – voulant que le Cavallino exploite la soufflerie à l’échelle 1 de son client Haas aux États-Unis avec une maquette de la future monoplace américaine ressemblant étrangement à la SF15-T.
On le voit, la compétition se joue aussi en dehors de la piste, avec un régulateur cherchant à combler les lacunes de ses dispositions en évitant d’être instrumentalisé. Chacun cherche à affaiblir ses adversaires en coulisses, à coup de directives autant que de dixièmes “Il y a deux manières de combattre, écrivait Machiavel dans Le Prince, l’une avec les lois, l’autre avec la force. La première est propre aux hommes, l’autre nous est commune avec les bêtes.” La Formule 1 est une jungle peuplée de toutes sortes d’espèces.
http://www.f1i.com/z-flux-rss/quel-credit-accorder-a-la-polemique-sur-le-debit-dessence/3/
Par Nicolas Carpentiers le 19/05/2015 à 10:23 17 Commentaires
On a beaucoup parlé, ces derniers temps, de débit d’essence. Le samedi du Grand Prix d’Espagne, la FIA a envoyé aux écuries une directive technique précisant les caractéristiques du débit autorisé.
Le lendemain, Ferrari – que certains suspectent d’être la cible du document – réalisait son moins bon week-end depuis le début de la saison en termes d’écart sur les Mercedes : la première monoplace rouge était reléguée à 45 secondes, son retard le plus conséquent sur les Flèches d’argent (34 secondes en Australie, victoire en Malaisie, 3 secondes en Chine et 3,4 secondes à Bahreïn).
Il n’en fallait pas plus pour qu’enfle la rumeur selon laquelle la Scuderia aurait jusqu’alors exploité un système illégal. Quel crédit accorder à ce débat sur le débit ?
1 – Que dit le règlement ?
C’est l’article 5.1.4 du règlement technique qui fixe un débit maximal à ne pas dépasser (100 kg d’essence par heure), afin d’encadrer la consommation de carburant. Pour s’assurer que ce seuil n’est pas franchi, la FIA oblige chaque écurie à installer sur ses monoplaces un débitmètre, qu’elle a homologué (pour une analyse de son fonctionnement, cliquez ici).
Concrètement, une pompe située dans le réservoir puise l’essence et l’envoie vers les injecteurs, le débitmètre étant placé entre ces deux éléments (*). En principe, il ne devrait pas être possible d’injecter du carburant à un débit plus élevé que celui enregistré par le capteur. Sauf que comme le débitmètre est installé dans le réservoir, il existe une certaine distance entre l’appareil et les injecteurs.
L’hypothèse est la suivante : sur ce trajet, on pourrait installer des accumulateurs de pression qui stockeraient l’essence injectée lors des phases de freinage ou de demi-charge (la pompe débitant alors plus que les besoins du moteur), puis réinjecteraient cet excédent au moment opportun – excédent qui s’ajouterait donc au débit maximal autorisé.
Le débitmètre ne verrait passer que 100 kg/h alors que le débit total injecté serait supérieur à 100 kg/h…
De tels réservoirs de pression hydraulique existent en aéronautique et sont conçus pour pallier la panne d’une ou plusieurs pompes (ces accumulateurs peuvent fournir quelques secondes de haute pression afin de verrouiller un train d’atterrissage par exemple). On évoque également l’idée que les motoristes pourraient exploiter la capacité de dilatation de certains matériaux sous forte pression pour stocker du carburant (selon des techniques utilisées sur les motorisations diesel à haute pression).
Pareille astuce aurait néanmoins un défaut : elle entraînerait une surconsommation, qui devrait être compensée d’une manière ou d’une autre. En réalité, sur la plupart des circuits, les écuries remplissent le réservoir avec moins de carburant que le seuil maximal de 100 kg (il y aurait souvent plutôt 90-95 kg d’essence au début de la course). On pourrait donc remplir un peu plus le réservoir, dans des proportions permettant que ce supplément de poids soit moins pénalisant que le gain de puissance.
(*) En simplifiant, une pompe à basse pression fait circuler l’essence dans le débimètre ; des pompes haute pression, montées au-dessus de la culasse, et entraînées par les arbres à cames, prennent ensuite le relais. La pression maximale autorisée par le règlement s’élève à 500 bar.
2 – De réelles suspicions
Visiblement, la FIA craignait que cette solution soit effectivement adoptée par certains motoristes.
Le règlement a donc anticipé ce risque. L’article 5.1.4. affirme que le débit maximal s’élève à 100 kg/h et qu’il est mesuré par un débitmètre homologué, alors que l’article 5.10.5 interdit tout système destiné à augmenter le débit après la mesure (“any device, system or procedure the purpose and/or effect of which is to increase the flow rate after the measurement point is prohibited”). Mais pour lever toute ambiguïté, la Fédération a encore affiné le cadre réglementaire en émettant dernièrement deux directives.
La première, datée du 15 mars, a demandé aux écuries d’être capables de mesurer le débit de carburant en plusieurs points du système, au lieu d’un seul (le débitmètre). Ceci devrait en théorie empêcher toute tricherie. De tels systèmes ont dû être mis en place par les teams à partir du Grand Prix de Chine, les formations ayant été contactées individuellement par la Fédération.La deuxième directive stipule qu’une fois que le flot d’essence dépasse 90 kg/h, toute augmentation ultérieure du débit doit se faire de manière constante
Comme si cette première “clarification” (car une directive n’est qu’un amendement précisant la façon dont la FIA va interpréter une règle déjà existante) ne suffisait pas, Charlie Whiting a distribué aux équipes une nouvelle note sur le sujet le samedi du Grand Prix d’Espagne (soit le 9 mai).
En substance, cette deuxième recommandation stipule qu’une fois que le flot d’essence dépasse 90 kg/h, toute augmentation ultérieure du débit doit se faire de manière constante, sans à-coup. Autrement dit que les élévations brutales de débit – telles qu’elles pourraient apparaître dans un double système illégal – ne seront plus tolérées.
3 – Ferrari visée… par Mercedes ?
Cette deuxième directive aurait été publiée après que la FIA a constaté des variations de pression inhabituelles sur les monoplaces de Nico Rosberg et Lewis Hamilton après la Q1. Mercedes aurait dû s’expliquer auprès des officiels et modifier ses paramètres. C’est cet incident qui aurait poussé Whiting à rédiger une nouvelle directive après la qualification.
Selon certains observateurs hardis, la formation championne du monde aurait volontairement mis la puce à l’oreille de la FIA en exagérant les fluctuations de débit sur ses bolides afin d’attirer l’attention sur les pratiques de ses rivaux écarlates… Le scénario, certes envisageable en F1, semble toutefois un tantinet tiré par les cheveux, puisqu’il suppose que Brackley aurait pris le risque de disputer les qualifications dans une configuration volontairement illégale et donc de risquer l’exclusion…
Bref, quelle que soit l’origine de la manœuvre, la rumeur selon laquelle les motoristes de Maranello exploiteraient un tel stratagème pour gagner une vingtaine de chevaux traîne depuis quelques mois dans le paddock.
On l’a dit, la manche espagnole – première course où s’appliquait la deuxième directive – a été celle où les Rouges ont accusé leur plus grand retard. En outre, c’est dans le troisième secteur – où l’adhérence mécanique compte plus que l’aérodynamique – que la SF15-T a concédé le plus de temps : 0”467 (contre 0”160 dans le premier et 0”207 dans le deuxième).
Coïncidence ou pas : Maurizio Arrivabene a justement évoqué un soudain problème de traction sur la SF15-T, dont personne n’avait jamais entendu parler jusqu’alors. De là à croire que la Scuderia cherche à justifier son recul, il y a un pas…
Relier l’entrée en vigueur de la deuxième directive et la relative contre-performance de Ferrari en Espagne, et y voir un lien de cause à effet, paraît imprudent à ce stade, car les éléments de preuve manquent. Seul le temps dira si les deux phénomènes sont connectés.Chacun cherche à affaiblir ses adversaires en coulisses, à coup de directives autant que de dixièmes. La compétition se joue aussi en dehors de la piste...
Quoi qu’il en soit, le spectaculaire bond en avant de Ferrari fait des jaloux dans le paddock, comme en témoigne une autre rumeur – tout aussi impossible à vérifier – voulant que le Cavallino exploite la soufflerie à l’échelle 1 de son client Haas aux États-Unis avec une maquette de la future monoplace américaine ressemblant étrangement à la SF15-T.
On le voit, la compétition se joue aussi en dehors de la piste, avec un régulateur cherchant à combler les lacunes de ses dispositions en évitant d’être instrumentalisé. Chacun cherche à affaiblir ses adversaires en coulisses, à coup de directives autant que de dixièmes “Il y a deux manières de combattre, écrivait Machiavel dans Le Prince, l’une avec les lois, l’autre avec la force. La première est propre aux hommes, l’autre nous est commune avec les bêtes.” La Formule 1 est une jungle peuplée de toutes sortes d’espèces.
http://www.f1i.com/z-flux-rss/quel-credit-accorder-a-la-polemique-sur-le-debit-dessence/3/
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