La Mercedes W06 à la loupe
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La Mercedes W06 à la loupe
La Mercedes W06 à la loupe
Par Nicolas Carpentiers le 3 février 2015 à 10:05
“Faut-il changer une voiture qui gagne tout ?” À cette question, les têtes pensantes de Mercedes ont semble-t-il répondu par la négative au moment de concevoir leur bolide 2015. La marge de la W05 sur la concurrence était telle, en effet (16 victoires, 18 pole positions, 294 points d’avance sur le deuxième classé), que la W06 en est logiquement une évolution, optimisée – loin des audaces d’une MP4-30. Cela dit, plusieurs aspects la distinguent de sa victorieuse devancière…
ÉVOLUTION PLUS QUE RÉVOLUTION
Quand il s’est agi de concevoir sa nouvelle monoplace argentée, l’équipe s’est dès lors montrée très prudente, comme le confesse Paddy Lowe, le directeur exécutif chargé de la technique :
“Tout développement comporte une part de risque – vous ne pouvez pas avancer sans risquer de vous tromper. Nous savions que notre voiture était excellente l’an passé, et nous ne voulions surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain au moment d’introduire certains changements.”
Pour le nez, les ingénieurs de Brackley ont ainsi conservé la même philosophie, adaptée au nouveau règlement. Contrairement à leurs homologues de McLaren et Ferrari, ils ont opté pour un museau très court, reculé au maximum de la limite réglementaire, comme l’an dernier. Le but ? Exploiter au mieux la zone neutre de l’aileron afin de guider le flux d’air vers le splitter et le fond plat, et de produire des vortex Y250. On notera le nez, dont la base n’étant pas peinte en gris métallisé, paraît du coup plus mince qu’il ne l’est en réalité (trait jaune ci-dessus).
NOUVELLE DIRECTION
Autre élément familier : le bras de suspension inférieur en forme de “Y” (au lieu d’un “V” conventionnel), copié par la SF15 T. La W06 pousse encore plus loin ce dessin en raccourcissant la section à deux branches (voyez les flèches vertes ci-dessus), afin d’exploiter son profil à des fins aérodynamiques, c’est-à-dire mieux contrôler le flux d’air ascendant en provenance de l’aileron avant et éviter qu’il ne perturbe le reste de la voiture.
Ce même principe a guidé le nouveau dessin des biellettes de direction, désormais situées au niveau du triangle de suspension inférieur (et non plus supérieur : comparez les deux images ci-dessus). Le centre de gravité s’en trouve abaissé (la crémaillère étant plus bas), alors que leur profil très évasé en fait un élément aérodynamique précieux pour guider le flux d’air avec davantage de précision. C’est sans doute l’espace dégagé à la suite de l’interdiction des suspensions interconnectées (dites “FRIC”) qui a permis aux ingénieurs de Mercedes de concevoir un tel système.
De l’autre côté de la suspension avant, les écopes de frein sont presque plates, dépourvues de la moindre ouverture, comme on le voit ci-dessus (tracé blanc). Si le concept n’est pas nouveau – d’autres équipes utilisent également des déflecteurs plans pour alimenter en air les freins avant –, il revient chez Mercedes après avoir été vu en 2012-2013. Offrant une surface lisse, ce type de déflecteur améliore sensiblement l’écoulement de l’air autour de la roue. La W06 n’exploite donc pas le principe des “écrous soufflés”, testés à Jérez par la McLaren, la Red Bull et la Williams, et fonctionnant comme suit : le flux d’air s’engouffre dans l’écope de frein généreusement dimensionnée, se dirige via un conduit interne vers un écrou ouvert, d’où il ressort afin de contrebalancer les turbulences crées par la rotation du pneu. Les écrous de la Flèche d’argent, eux, sont pointus, afin d’accélérer l’engagement du pistolet pneumatique au moment des changements de gommes.
FLUIDITÉ
Par rapport à l’an passé, la prise d’air a perdu ses deux ouïes latérales (adoptées par la nouvelle Lotus) mais a gagné, un peu, en diamètre. Comme sur la McLaren, elle est divisée en deux conduits : l’un pour l’alimentation en air du V6 thermique, l’autre pour refroidir l’huile de la transmission. La disparition des ouvertures latérales et l’affinement des pontons suggèrent que le refroidissement a été encore amélioré au niveau du moteur, des lubrifiants et des radiateurs.
Signe que la maîtrise des températures est en net progrès malgré une puissance supérieure (on parle d’une cinquantaine de chevaux) : les pontons sont plus étroits et le capot moteur nettement aminci en son arrête, si bien que l’“aileron de requin” destiné à respecter le gabarit réglementaire a vu sa surface augmenter. Ci-dessus, on remarquera que pour évacuer l’air chaud, la Mercedes exploite les extrémités élargies des pontons, alors que la McLaren utilise un capot moteur ovalisé, comme sur les précédentes Red Bull (la RB11 a changé de concept en la matière, comme nous le verrons prochainement).
Il est vraisemblable que la W06 ait conservé l’implantation originale de l’intercooler dans le châssis même (juste devant le réservoir) plutôt que dans les pontons – implantation qui améliore l’aérodynamique interne en dégageant les pontons.
PLUS DE PUISSANCE
Atout maître des Flèches d’argent, le V6 turbo hybride a encore été développé, selon son créateur Andy Cowell :
“Nous avons travaillé sur tous les aspects du moteur pour améliorer le rendement de chaque système en rendant notre moteur plus efficace d’un point de vue thermique et en délivrant davantage de puissance. De ce point de vue, notre priorité a été d’optimiser la combustion et d’atténuer les pertes dues aux frictions. […] Le règlement permet pas mal de changements et d’occasions de gagner en performances, nous n’avons donc rien laissé au hasard pour gagner encore en performances.”
Cowell aurait ainsi suggéré que le collecteur unique – si typique du PU106A (le “log manifold” détaillé ici en images) – avait été remplacé par des tubulures classiques, probablement en raison du régime plus élevé du bloc 2015, même s’il faudra attendre des images pour en avoir le cœur net.
Le patron de HPPP (High Performance Powertrains) à Brixworth a par ailleurs admis que le V6 Mercedes pourrait conserver une marge de développement au début du championnat, alors que Renault et Ferrari ont déjà puisé dans leur quota de “jetons” pour faire évoluer leurs groupes propulseurs (à concurrence de deux tiers dans le cas du motoriste français).
Hormis les déflecteurs horizontaux au-dessus des pontons, l’arrière de la W06 ressemble à celui de sa devancière, avec un aileron, un diffuseur et un “monkey seat” analogues à ceux qui équipaient le modèle précédent. Avec l’aileron avant, ces éléments sont amenés à évoluer sensiblement d’ici le Grand Prix d’Australie.
À condition qu’elle permette davantage de fiabilité (talon d’Achille des W05), le choix de l’évolution plutôt que la révolution fait par Brackley pourrait bien être une sage décision face à une concurrence contrainte à l’audace et aux paris techniques osés.
http://www.f1i.com/f1i-features/la-mercedes-w06-la-loupe/
Par Nicolas Carpentiers le 3 février 2015 à 10:05
“Faut-il changer une voiture qui gagne tout ?” À cette question, les têtes pensantes de Mercedes ont semble-t-il répondu par la négative au moment de concevoir leur bolide 2015. La marge de la W05 sur la concurrence était telle, en effet (16 victoires, 18 pole positions, 294 points d’avance sur le deuxième classé), que la W06 en est logiquement une évolution, optimisée – loin des audaces d’une MP4-30. Cela dit, plusieurs aspects la distinguent de sa victorieuse devancière…
ÉVOLUTION PLUS QUE RÉVOLUTION
Quand il s’est agi de concevoir sa nouvelle monoplace argentée, l’équipe s’est dès lors montrée très prudente, comme le confesse Paddy Lowe, le directeur exécutif chargé de la technique :
“Tout développement comporte une part de risque – vous ne pouvez pas avancer sans risquer de vous tromper. Nous savions que notre voiture était excellente l’an passé, et nous ne voulions surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain au moment d’introduire certains changements.”
Pour le nez, les ingénieurs de Brackley ont ainsi conservé la même philosophie, adaptée au nouveau règlement. Contrairement à leurs homologues de McLaren et Ferrari, ils ont opté pour un museau très court, reculé au maximum de la limite réglementaire, comme l’an dernier. Le but ? Exploiter au mieux la zone neutre de l’aileron afin de guider le flux d’air vers le splitter et le fond plat, et de produire des vortex Y250. On notera le nez, dont la base n’étant pas peinte en gris métallisé, paraît du coup plus mince qu’il ne l’est en réalité (trait jaune ci-dessus).
NOUVELLE DIRECTION
Autre élément familier : le bras de suspension inférieur en forme de “Y” (au lieu d’un “V” conventionnel), copié par la SF15 T. La W06 pousse encore plus loin ce dessin en raccourcissant la section à deux branches (voyez les flèches vertes ci-dessus), afin d’exploiter son profil à des fins aérodynamiques, c’est-à-dire mieux contrôler le flux d’air ascendant en provenance de l’aileron avant et éviter qu’il ne perturbe le reste de la voiture.
Ce même principe a guidé le nouveau dessin des biellettes de direction, désormais situées au niveau du triangle de suspension inférieur (et non plus supérieur : comparez les deux images ci-dessus). Le centre de gravité s’en trouve abaissé (la crémaillère étant plus bas), alors que leur profil très évasé en fait un élément aérodynamique précieux pour guider le flux d’air avec davantage de précision. C’est sans doute l’espace dégagé à la suite de l’interdiction des suspensions interconnectées (dites “FRIC”) qui a permis aux ingénieurs de Mercedes de concevoir un tel système.
De l’autre côté de la suspension avant, les écopes de frein sont presque plates, dépourvues de la moindre ouverture, comme on le voit ci-dessus (tracé blanc). Si le concept n’est pas nouveau – d’autres équipes utilisent également des déflecteurs plans pour alimenter en air les freins avant –, il revient chez Mercedes après avoir été vu en 2012-2013. Offrant une surface lisse, ce type de déflecteur améliore sensiblement l’écoulement de l’air autour de la roue. La W06 n’exploite donc pas le principe des “écrous soufflés”, testés à Jérez par la McLaren, la Red Bull et la Williams, et fonctionnant comme suit : le flux d’air s’engouffre dans l’écope de frein généreusement dimensionnée, se dirige via un conduit interne vers un écrou ouvert, d’où il ressort afin de contrebalancer les turbulences crées par la rotation du pneu. Les écrous de la Flèche d’argent, eux, sont pointus, afin d’accélérer l’engagement du pistolet pneumatique au moment des changements de gommes.
FLUIDITÉ
Par rapport à l’an passé, la prise d’air a perdu ses deux ouïes latérales (adoptées par la nouvelle Lotus) mais a gagné, un peu, en diamètre. Comme sur la McLaren, elle est divisée en deux conduits : l’un pour l’alimentation en air du V6 thermique, l’autre pour refroidir l’huile de la transmission. La disparition des ouvertures latérales et l’affinement des pontons suggèrent que le refroidissement a été encore amélioré au niveau du moteur, des lubrifiants et des radiateurs.
Le refroidissement a été encore amélioré au niveau du moteur, des lubrifiants et des radiateurs
Signe que la maîtrise des températures est en net progrès malgré une puissance supérieure (on parle d’une cinquantaine de chevaux) : les pontons sont plus étroits et le capot moteur nettement aminci en son arrête, si bien que l’“aileron de requin” destiné à respecter le gabarit réglementaire a vu sa surface augmenter. Ci-dessus, on remarquera que pour évacuer l’air chaud, la Mercedes exploite les extrémités élargies des pontons, alors que la McLaren utilise un capot moteur ovalisé, comme sur les précédentes Red Bull (la RB11 a changé de concept en la matière, comme nous le verrons prochainement).
Il est vraisemblable que la W06 ait conservé l’implantation originale de l’intercooler dans le châssis même (juste devant le réservoir) plutôt que dans les pontons – implantation qui améliore l’aérodynamique interne en dégageant les pontons.
PLUS DE PUISSANCE
Atout maître des Flèches d’argent, le V6 turbo hybride a encore été développé, selon son créateur Andy Cowell :
“Nous avons travaillé sur tous les aspects du moteur pour améliorer le rendement de chaque système en rendant notre moteur plus efficace d’un point de vue thermique et en délivrant davantage de puissance. De ce point de vue, notre priorité a été d’optimiser la combustion et d’atténuer les pertes dues aux frictions. […] Le règlement permet pas mal de changements et d’occasions de gagner en performances, nous n’avons donc rien laissé au hasard pour gagner encore en performances.”
Cowell aurait ainsi suggéré que le collecteur unique – si typique du PU106A (le “log manifold” détaillé ici en images) – avait été remplacé par des tubulures classiques, probablement en raison du régime plus élevé du bloc 2015, même s’il faudra attendre des images pour en avoir le cœur net.
Le patron de HPPP (High Performance Powertrains) à Brixworth a par ailleurs admis que le V6 Mercedes pourrait conserver une marge de développement au début du championnat, alors que Renault et Ferrari ont déjà puisé dans leur quota de “jetons” pour faire évoluer leurs groupes propulseurs (à concurrence de deux tiers dans le cas du motoriste français).
Hormis les déflecteurs horizontaux au-dessus des pontons, l’arrière de la W06 ressemble à celui de sa devancière, avec un aileron, un diffuseur et un “monkey seat” analogues à ceux qui équipaient le modèle précédent. Avec l’aileron avant, ces éléments sont amenés à évoluer sensiblement d’ici le Grand Prix d’Australie.
À condition qu’elle permette davantage de fiabilité (talon d’Achille des W05), le choix de l’évolution plutôt que la révolution fait par Brackley pourrait bien être une sage décision face à une concurrence contrainte à l’audace et aux paris techniques osés.
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