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Ferrari vs McLaren : 1976, du feu de l’Eifel à l’eau de Fuji

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Ferrari vs McLaren : 1976, du feu de l’Eifel à l’eau de Fuji  Empty Ferrari vs McLaren : 1976, du feu de l’Eifel à l’eau de Fuji

Message par modena49 Lun 18 Fév - 20:27

Ferrari vs McLaren : 1976, du feu de l’Eifel à l’eau de Fuji  Lauda-10
Si on avait proposé le scénario de la saison 1976 pour un blockbuster hollywoodien aux studios de la 20th Century Fox ou de la Metro Goldwyn Mayer, il aurait été refusé avec la mention "invraisemblable". Pourtant, la tornade d’évènements qui a entouré le duel entre Niki Lauda et James Hunt a bien eu lieu. Et cette année là, seul le panache du romantique anglais Hunt était digne du courage surhumain de l’ordinateur viennois Lauda, revenu d’un voyage vers la mort ... La défaite du champion du monde 1975, prononcée au Mont Fuji, allait provoquer sa scission avec le Commendatore en 1977 ...

La saison 1976 va opposer deux pilotes bien différents: le champion du monde 1975, Niki Lauda (Ferrari) et le pilote anglais James Hunt, nouvelle clé de voûte de McLaren.

L’écurie néo-zélandaise a en effet perdu son double champion du monde brésilien Emerson Fittipaldi. Le 22 novembre 1975, le cadet des Fittipaldi , depuis une cabine téléphonique de Zürich, informe l’écurie McLaren qu’il ne pilotera plus chez eux en 1976 ... Emerson et son aîné Wilson se lancent dans une nouvelle aventure, créant leur propre équipe avec le soutien du sponsor brésilien Copersucar. Les Fittipaldi tomberont de Charybde en Scylla dans cette odyssée sportive qui ruinera la carrière de l’aîné, très vite obligé de sacrifier sa carrière de pilote pour prendre la direction de l’écurie, comme du cadet, dont la réputation restera marquée au fer rouge par trop de saison passées en fond de grille, malgré deux couronnes mondiale (1972 et 1974).
Pour remplacer un champion de la dimension d’Emerson Fittipaldi, parfait antidote au panache de virtuoses comme Ronnie Peterson ou Jacky Ickx, Teddy Mayer recrute donc James Hunt.
Ce fils d’un agent de change voulait faire des études de médecine mais la passion du sport automobile était plus forte que tout. Pilote romantique, Hunt a grandi avec Hesketh. Amateur de femmes, d’alcool et de cigarettes, James Hunt est en quelque sorte le George Best du paddock ... Un jour, Hunt arborait un tee-shirt avec pour libellé une sorte de devise, de ligne de vie ... Sex is the breakfast of champions ... Tout était dit!

Malgré sa dimension de tête brûlée, Hunt va faire en 1976 plus que dans toute le reste de sa carrière. Toute son oeuvre est condensée sur cette saison 1976 qui marquera à jamais le sport automobile et la Formule 1 contemporaine.

En 1975, Hunt a vaincu le signe indien, remportant sa première victoire près des dunes de la Mer du Nord, à Zandvoort, devant un certain Niki Lauda.
Le premier duel sportifs entre ces deux champions fut une superbe opposition de styles.
Il fut reproché à l’Autrichien son manque de panache ce jour là. Alors que tout le monde s’attendait à voir Lauda tenter de dépasser Hunt, la Ferrari 312T de Viennois était restée sagementblottie dans l’aspiration de l’Hesketh du pilote anglais!

Les journalistes avaient alors jeté publiquement l’opprobre sur Lauda, immense champion mais courant comme un épicier. Le Viennois avait vite hérité d’un surnom, l’Ordinateur ... Les superlatifs avaient plu sur Lauda lors des courses précédentes, mais la deuxième place de Zandvoort a déçu bien des observateurs, nostalgiques de champions plus fougeux, les Nuvolari, Fangio, Clark et autres Rindt, ceux dont le virtuosesuédois Peterson avait repris l’héritage avec un inégalable brio...

Lauda appartient simplement à une catégorie de pilotes plus réfléchis, celle des Caracciola, Surtees, Stewart, E.Fittipaldi ...

Début 1976, rien ne semble pouvoir contredire l’implacable Scuderia Ferrari. Mauro Forghieri a dessiné une 312 T2 dans la lignée de la 312 T de 1975.

Avec la vieille 312 T conservée pour permettre à Forgheri d’optimiser la mise au point de son nouveau chef d’oeuvre, Maranello signe trois victoires dans les trois manches d’ouvertures du championnat 1976, Interlagos, Kyalami et Long Beach. Lauréat au Brésil et en Afrique du Sud, Niki Lauda prend une deuxième place derrière son coéquipier suisse Clay Regazzoni à Long Beach.

La partition de la Scuderia est sans fausse note, avec des airs de requiem pour l’opposition, qui subit cette incroyable hégémonie alors que la nouvelle arme fatale du Cavallino n’est pas encore sortie de l’usine ...
Fin 1975, Niki a rencontré Marlene Knaus, alors compagne de Curd Jurgens. Niki ne tarde pas à séduire Marlene. Comblé sur le plan sportif comme sur le plan amoureux, Lauda est donc inarrêtable ...

Mais quelques grains de sables vont venir gripper la belle machine rouge ... Ferrari, en 1976, est orpheline d’un des trois artisans majeurs de son redressement, amorcé en 1974 ... Si Mauro Forghieri, le compositeur, et Niki Lauda, le premier violon, sont toujours là, le chef d’orchestre manque à l’appel.
Du côté de la direction sportive, Luca Cordero di Montezemolo a quitté ses fonctions pour rejoindre la maison-mère, FIAT, ce qui est logique puisque Montezemolo est un pion de la dynastie Agnelli. Le Commendatore a remplacé Montezemolo par Daniele Audetto (venu de Lancia), dont les relations avec Niki Lauda seront tendues!

La victoire de Regazzoni en Californie, ardemment souhaitée par Audetto, met la puce à l’oreille de Niki Lauda.

Le deuxième grain de sable, pour Lauda, intervient après un accident domicile intervenu après Long Beach. Chutant de son tracteur dans son jardin, l’Autrichien est diminué après cette blessure. Couvert d’hématomes, ayant deux côtés cassées, Lauda subit les foudres de la presse transalpine, qui se déchaîne après cet épisode tragi-comique.

Les journalistes italiens lancent alors l’idée de revoir un pilote italien chez Ferrari.

Audetto ne va pas provoquer Lauda, idole de l’équipe, en affirmant que Ferrari manque de pilotes italiens. Mais Audetto soutient tout de même Clay Gianclaudio Regazzoni, italophone puisqu’originaire du canton suisse du Tessin.Mais Lauda n’est pas homme à se laisser marcher sur les pieds ...

Il a tenu tête à son grand-père Ernst Lauda pour faire carrière dans le sport automobile plutôt que dans la médecine ou la finance, il n’a pas hésité à dire à l’état-major de March, en 1972 que leur voiture était ratée alors qu’il n’était le coéquipier de l’ombre du grand Ronnie Peterson, il n’a pas hésité à falsifier des chèques de la Raiffensenbank en 1973 pour convaincre BRM de le conserver en F1 ... Alors, ce n’est pas Daniele Audetto qui va dicter sa loi chez Ferrari!

Le sang de Niki ne fait qu’un tour quand un journalisteincompétent ose lui demander, par téléphone, ce qu’il pense des pilotes italiens comme remplaçants potentiels chez Ferrari suite à sa blessure!

La réponse de Lauda, peu diplomate, est cinglante: Les pilotes italiens sont justes bons à faire crisser les pneus de la Fiat 500 en faisant le tour de l’église ...

Volontairement caricatural,le propos touche droit au coeur un pays orphelin de grands champions depuis Tazio Nuvolari ou Alberto Ascari (champion du monde 1952 et 1953). Le titre de l’Italo-Américain Mario Andretti en 1978 n’y changera rien,car en 2011la Botte attend toujours un successeur à Ascari, même si les tifosi n’ont d’yeux que pour le mythe Ferrari.

Seul point bénéfique de cet épisode, Lauda sera pris en charge pendant sa convalescence par Willy Dungl,ancien physiothérapeute de l’équipe autrichienne olympique de ski, qui deviendra son gourou pour le restant de sa carrière.

Après toutes ces turpitudes, le champion du monde en titre est donc très attendu lorsqu’il arrive près de Madrid, sur le circuit espagnol de Jarama.

Etrennant la 312 T à l’occasion de ce Grand Prix d’Espagne, Lauda prend la deuxième place derrière James Hunt, qui signe la première victoire de McLaren en 1976.

La victoire de Hunt sera confisquée par les commissaires puis lui sera rendue bien plus tard.
Lauda, battu sur la piste, est vainqueur moral de cette course madrilène: il a prouvé à tous de quel bois il était fait, qu’il était un champion, que l’énergie qui l’animait lui permettait de relever les défis et de compenser une éventuelle blessure ...

La concurrence peut trembler, même un Lauda affaibli est capable de viser le podium! L’Autrichien poursuit ensuite sa moisson de victoires à Zolder et Monaco.

L’objectif de Lauda n’est pas simplementde conquérir un deuxième titre mondial, mais de gagner le championnat du monde au plus vite pour détruite l’influence néfaste de Daniele Audetto au sein de la Scuderia.

Troisième en Suède derrière Scheckter et Depailler, vainqueurs sur l’inédite Tyrrell à six roues, NikiLauda consolide son incontestable position de leader au classement général.

En France, Lauda semble parti pour un nouveau cavalier seul mais le voilà trahi par son moteur. Quittant le circuit provençal du Castellet bredouille, pour la première fois de la saison, le Viennois voit James Hunt remporter le Grand Prix de France. Hunt entretient doucement l’espoir d’un suspense pourtant inexistant au championnat.

A Brands Hatch, Hunt domine Lauda sportivement mais le pilote McLaren se retrouve disqualifié. La victoire revient au pilote autrichien qui s’envole au championnat ...

Malgré tant de polémiques nauséabondes(Jarama, Brands Hatch), rien ne pourra briser le respect mutuel entre Hunt et Lauda, pilotes qui s’estiment en dehors du simple cadre sportif. Le duel est cependant illusoire tant Ferrari écrase McLaren.
Rien ne semble alors pouvoir troubler l’horizon serein du champion du monde 1975, qui sera bientôt le premier depuis Jack Brabham (1959 et 1960) à aligner deux couronnes mondiales consécutives. C’est ce que pensent la majorité des observateurs. Si un sondage était fait, Lauda serait bien entendu plébiscité comme champion du monde 1976, tant il domine son sujet avec la Scuderia Ferrari. Lauda sera champion, c’est une question de semaines ... Utiliser le conditonnel serait pourtantplus prudent.

Caren F1 plus qu’ailleurs, l’optimisme est une faiblesse, tant rien n’est jamais acquis.

Au Nürburgring, majestueux toboggan de 176 virages niché dans les collines de l’Eifel, et serpentant au milieu des sapins, Lauda espère parachever sa magistrale saison en remportant le Grand Prix d’Allemagne, qui a sacré tant de virtuoses du volant, de Caracciola à Ickx en passant par Fangio, Clark ou Surtees.

Mais au deuxième tour du Grand Prix d’Allemagne, c’est le drame. Victime d’une sortie de piste violente, Lauda devient prisonnier des flammes dans sa Ferrari 312 T2 sans que James Hunt ou Harald Ertl.

Ironie du destin, paradoxe du sort, la vie de l’Autrichien sera sauvée par Arturo Merzario, pilote italien, intouchable appartenant à la caste de ceux que Lauda a vertement invectivé en début de saison par journaux interposés, en écho à une question sur son remplacement. Merzario, héroïque, plonge des flammes de l’enfer où Lauda est retenu prisonnier. Dégrafant le harnais de sécurité, l’Italien hisse l’Autrichien hors de son cockpit et lui sauve la vie, dans un geste de solidarités entre pilotes, entres hommes de la même confrérié, unis par la même passion de la vitesse.

Une fois extrait du cockpit enflammé de sa monoplace rouge, l’Autrichien est conduit à l’hôpital. Grièvement brûlé, on le croit perdu à jamais. Un prêtre vient même prononcer le fatidique serment de l’extrême-onction, mais Lauda, avec une implacable volonté, refuse la mort. Son esprit se bat et le champion revient à lui ...

L’homme, lui, est brisé. Le visage défiguré par les flammes, Lauda ne ressemble plus du tout à ce qu’il a été auparavant ...

Déjà, il envisage de revenir et de se battre pour le titre ... Mais un tout autre son de cloche résonne à Modène, où Enzo Ferrari pense que Lauda devrait rester convalescent jusqu’à la fin 1976 ...
Officiellement, car Ferrari serait alors considérée comme le vainqueur moral du championnat, puisqu’un boulevard s’ouvre devant James Hunt et McLarenpour la couronne mondiale des pilotes.

Officieusement, car le Commendatore pense que Niki ne pourra jamais retrouver son niveau et envisage déjà de le remplacer en 1977, lui confiant un poste de directeur sportif.

Pour l’anecdote, le Grand Prix d’Allemagne s’est offert à James Hunt, qui n’a pas renoncé.
Ferrari commet une erreur tactique colossale à Zeltweg, lors de la manche suivante, en déclarant forfait. A Zandvoort, une seule voiture écarlate est alignée par la Scuderia. Orpheline de Lauda, Ferrari ne compte sur que sur Clay Regazzoni pour contrecarrer les plans de reconquête de James Hunt ...
En Autriche, c’est John Watson qui s’impose mais Hunt reprend sa marche triomphale dès le Grand Prix suivant, à Zandvoort ... L’avance de Lauda construite en début de saison fond alors comme neige au soleil. Entre Zeltweg et Zandvoort, le champion viennois a personnellement téléphone au Commendatore, le priant d’aligner Clay Regazzoni en Hollandepour reprendre le combat face à son rival James Hunt.

En Italie, le paddock vit un évènement incroyable ... Le dimanche 12 septembre, la Lombardie voit courir Niki Lauda déjà de retour. Blessé le 1er août en Allemagne, de retour le 12 septembre en Italie, Lauda n’est resté que 42 jours loin de l’arène, après un accident qui a failli avoir raison de lui. Sur l’autodrome de Monza, l’homme est la cible de tous les regards. Troublé par tant de courage, James Hunt commet sa seule erreur de l’été ...

L’autodrome de Monza s’offre à Ronnie Peterson tandis que Lauda force l’admiration de tous avec une quatrième place ... Le gladiateur s’est battu dans le temple de la vitesse, devant les tifosi venus acclamer Ferrari...

Entre temps, Lauda en a remis une couche dans la presse faceà la décision initiale d’Enzo Ferrari de renoncer à se battre. Pour un Italien, perdre dans son lit est peut-être glorieux. Pas pour moi.

La tournée nord-américaine est au bénéfice de James Hunt qui l’emporte coup sur coup à Mosport et Watkins-Glen. Lauda ne peut que limiter les dégâts avec une troisième place aux Etats-Unis, après une course vierge de points sur le sol canadien (huitième).

C’est donc au Japon, sur le nouveau circuit du Mont-Fuji, que les deux rivaux vont se départager ... Lauda mène 68-65 contre Hunt, mais sur une course, tout est possible.

Utopique après Brands-Hatch, un sacre de James Hunt est théoriquement possible avant ce Grand Prix du Japon.
Le jour de la course, le 24 octobre, le circuitMont Fuji, proche du célèbre volcan,est inondé par la pluie. Encore fragile mentalement, Lauda jette l’éponge dès le deuxième tour. Le Viennois est incapable de mener à la limite son bolide écarlate sous la pluie. Même l’ingénieur Forghieri ne parvient pas à convaincre Lauda de repartir au combat. Face au danger d’un circuit noyé par une pluie apocalyptique, Lauda préfére renoncer. Daniele Audetto est furieux, tout comme Enzo Ferrari, qui assiste à cette catastrophe sportive devant son poste de télévision.

Prenant un taxi vers l’aéroport de Tokyo, Lauda est accompagné par son épouse Marlene. A Haneda, Niki apprend que sonami James Hunt a été sacré champion du monde, dans des circonstances rocambolesques.

Par la suite, Enzo Ferrari reprochera à Lauda son comportement à Fuji. Mais quand le vieux disait Fuji, il pensait Monza, expliquera Lauda bien des années plus tard. A Monza, Ferrari avait fait appel à Carlos Reutemann, l’Argentin remplaçant Clay Regazzoni comme coéquipier de Lauda en 1977. Reutemann serait même explicitement déclaré premier pilote de la Scuderia, face au roi déchu Lauda ... La vengeance de Niki n’en sera que plus terrible enversla maison rouge!

Franchissant la ligne en troisième position de ce Grand Prix du Japon 1976(Mario Andretti ayant inauguré victorieusement le circuit de Fuji), Hunt sort furieux du cockpit de sa McLaren.
Croyant être cinquième et donc battu d’un point (67), Hunt voit arriver son directeur sportif Teddy Mayer, venu le féliciter. Furieux, le bouillant Anglais terrasse Mayer d’un coup de poing. Aveuglé par la colère, Hunt se rend ensuite compte qu’il a atteint l’objectif, le podium. Le titre envolé lui revient ...

Les éléments ont donc commandé ce dantesque et dramatique championnat du monde 1976 ... Du feu de l’Eifel sont issue les cendres qui ont donné naissance au phénix Hunt, tandis que l’eau duMont Fuji a douché les ultimes espoirs de Niki Lauda, vainqueur moral du championnat pour son courage proprement surhumain.
par AxelBorg
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